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Le développement de l’Extrême-Orient est une priorité absolue pour la Russie, par GlobalTimes

Le divorce entre la Russie et les pays composant l’Occident semble désormais largement consommé. On le mesure aux déclarations des responsables politiques russes qui sont, de plus en plus souvent, sans appel : « ni pardon ni oubli ». La volonté récente de couper toute relation diplomatique avec certains États et, en premier lieu, avec l’OTAN est une parfaite illustration de l’évolution en cours. L’UE devrait suivre. A contrario, le Kremlin fait feu de tout bois dans ses prises de contacts avec le monde émergent. Le rythme des rencontres de Sergueï Lavrov montre que c’est la Russie qui entraîne désormais la dynamique de la diplomatie internationale, la Chine n’étant pas en reste. Par comparaison, le Quai d’Orsay semble de façon pathétique aux « abonnés absents ». Le discours de Vladimir Poutine lors de la session plénière du Forum économique oriental (FEE) 2023 à l’Université fédérale d’Extrême-Orient, sur l’île Russky à Vladivostok, trace une orientation très claire : Moscou se tourne vers l’Est et le Sud sur le plan économique. Nous reproduisons ici le point de vue du PCC chinois.

Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/09/14/le-developpement-de-lextreme-orient-est-une-priorite-absolue-pour-la-russie-par-globaltimes/


Cet article initialement publié sur le site globaltimes.cn n’engage pas la ligne éditoriale du Courrier.

Le président russe Vladimir Poutine a rencontré mardi le vice-premier ministre chinois Zhang Guoqing en marge du 8e Forum économique oriental (FEE) à Vladivostok, en Russie. Au cours de cette réunion, le président russe a déclaré que – grâce aux efforts conjoints de la Russie et de la Chine – les relations bilatérales solides se sont développées. L’agence de presse Xinhua a souligné qu’il s’agissait de la meilleure période de l’histoire, avec un développement harmonieux dans divers domaines tels que le commerce et l’économie.

L’Extrême-Orient devient pour la Russie le nouveau pôle de croissance

Le président russe a déclaré que le développement de l’Extrême-Orient est devenu un nouveau pôle de croissance pour la coopération russo-chinoise. À cet égard, certains experts chinois ont fait valoir qu’en renforçant la coopération économique avec les principaux pays en développement, Moscou tente désormais de prouver que la Russie peut se développer sans l’Occident.

Zhang a déclaré que la Chine était prête à travailler avec la Russie pour traduire dans les faits l’important consensus que partagent les plus hauts dirigeants des deux pays : exploiter ensemble les opportunités de développement, approfondir la coopération de façon mutuellement bénéfique et renforcer la coordination stratégique en matière de développement régional.

Selon M. Poutine, le commerce sino-russe pourrait atteindre pour la première fois 200 milliards de dollars en 2023, constatant que le commerce bilatéral avait augmenté d’environ 30 % par an au cours des dernières années. Rappelons qu’en 2019, la Chine et la Russie s’étaient fixées conjointement pour objectif que leur commerce bilatéral atteigne 200 milliards de dollars d’ici 2024. Selon l’agence TASS, le vice-premier ministre chinois a déclaré de son côté que le commerce bilatéral avait atteint 155,1 milliards de dollars au cours des huit premiers mois de 2023, soit une hausse de 32 % par rapport à l’année précédente : « Nous avons toutes les raisons de croire que l’objectif, fixé au plus haut niveau, de porter le commerce bilatéral à 200 milliards de dollars sera atteint plus tôt que prévu cette année ».

Lors de son point presse habituel, mardi dernier, Mao Ning – porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères – en réponse à une question sur une possible « rencontre entre le dirigeant chinois et le dirigeant russe d’ici la fin de cette année », a mentionné que Xi Jinping et Poutine avaient toujours maintenu une communication stratégique de diverses manières, et tenu des échanges de vues approfondis sur la coopération sino-russe ainsi que sur les questions d’intérêt mutuel. Le diplomate a précisé que les deux présidents poursuivront leurs échanges de façon étroite et guideront le partenariat stratégique global de coordination des deux pays, « pour une nouvelle ère vers de nouveaux sommets ».

Désormais, un développement sans l’Occident

Hormis la Chine, de nombreux pays en développement ont envoyé des délégations de haut niveau au forum économique du 10 au 13 septembre. Selon le média russe Spoutnik, Anton Kobyakov – secrétaire exécutif du comité d’organisation du forum – a indiqué que « l’agenda international comprendra des dialogues commerciaux avec des représentants de l’Inde, de la Chine, du Laos, de la Mongolie, de l’ASEAN et de la réunion EAEU-BRICS ».

Chercheur associé à l’Institut d’études sur la Russie, l’Europe de l’Est et l’Asie centrale de l’Académie chinoise des sciences sociales, Zhang Hong a déclaré mardi au Global Times qu’en invitant les grandes économies non occidentales comme la Chine, l’Inde et l’ASEAN, Moscou cherche à exprimer au monde entier l’idée, qu’après le découplage de l’Occident avec la Russie depuis le début de la crise ukrainienne, « la Russie ne se tourne pas seulement vers l’Est et le Sud politiquement et diplomatiquement, mais aussi économiquement ».

Selon l’agence TASS, Poutine, lors de l’EEF, a souligné que les pays occidentaux étaient en train de ruiner le système de relations commerciales et financières qu’ils avaient travaillé à construire. Le président russe a fait également valoir que c’est « un nouveau modèle de relations et d’intégration qui est en train de naître, mais pas selon les modèles occidentaux du « milliard d’or » [une théorie selon laquelle les élites occidentales tentent d’amasser des richesses pour le milliard de personnes les plus riches du monde au détriment du reste de l’humanité], mais pour l’ensemble des peuples, pour l’ensemble du monde multipolaire qui fonctionne et se développe.

« L’année dernière, les échanges commerciaux de la Russie avec les pays de la région Asie-Pacifique ont augmenté de 13,7 % et ont encore augmenté de 18,3 % au cours du premier semestre de cette année » a déclaré le président Poutine. Selon une estimation préliminaire du Service fédéral des statistiques relevée par l’agence TASS en août, la croissance du PIB russe s’est élevée à 4,9 % sur un an au deuxième trimestre 2023. Ce service de statistiques avait révisé plus tôt l’estimation de la baisse du PIB de 1,9 % à 1,8 % en termes annuels pour le premier trimestre 2023.

Pour les analystes chinois, Poutine a lancé le message que la Russie peut se développer sans l’Occident. En publiant ces données, la Russie montre une fois de plus sa détermination à résister aux sanctions occidentales et à assurer sa croissance économique, tout en supportant le conflit militaire en Ukraine.

Zhang a déclaré que « la Russie et l’Occident ont décidé de se dissocier à long terme, et c’est une grande opportunité pour les entreprises chinoises ». Cui Heng – chercheur adjoint au Centre d’études russes de l’Université normale de Chine orientale – a convenu que lorsque la Russie et l’Occident se dissocient, la Chine devient le partenaire commercial le plus important et le plus irremplaçable de la Russie et, en particulier, lorsque la Russie se réforme. Ainsi, dans sa chaîne industrielle, les entreprises chinoises ont comblé les vides laissés par les entreprises occidentales. Par ailleurs, toujours selon Cui Heng, l’amélioration des relations commerciales sino-russes ne se réalise pas seulement en termes de volume, mais, plus important encore, elle rend les industries des deux pays plus étroitement liés.  

Coopération du Nord-est de la Chine et de l’Extrême-Orient russe

Lors d’une réunion avec les participants de la session de l’EEF, Poutine a déclaré que « nous ne ralentirons certainement pas le rythme du développement dans la région, car le développement de l’Extrême-Orient est une priorité absolue pour la Russie, une priorité directe, une priorité pour la Russie dans son ensemble pour tout le XXIe siècle, car c’est une région colossale avec une petite population, mais un énorme potentiel.

Dans ce prolongement, le président russe a souligné qu’il était nécessaire « non seulement de conserver cette région, mais aussi de la développer et de mettre ses ressources au profit de l’État ». Selon le président, « il ne faut pas seulement parler du développement des ressources minérales. Il faut ici (en Extrême-Orient) construire encore plus d’entreprises pour le traitement des matières premières industrielles, afin d’augmenter la valeur ajoutée. Nous y travaillerons ; nous renforcerons la construction aéronautique ainsi que la construction navale ; nous nous engagerons à développer la production industrielle dans les secteurs les plus divers ».

De son côté, Zhang Hong a relevé que « c’est un signal clé qu’il convient de noter, car dans le passé, la Russie avait de nombreuses idées pour développer son Extrême-Orient, notamment l’innovation de haute technologie, le commerce international et l’agriculture. Mais désormais, la Russie se montre beaucoup plus précise ».

En raison des limites des ressources humaines et technologiques, ajoutées aux sanctions imposées par l’Occident, Moscou a désormais compris que le développement des ressources minérales est plus pratique et réalisable pour la région, ce qui guidera également la coopération entre la région du nord-est de la Chine et la Russie. L’Extrême-Orient à de l’avenir, disent les experts.

Selon l’agence Xinhua samedi dernier, le président chinois Xi Jinping a mentionné « l’écriture d’un nouveau chapitre » dans la lutte pour la revitalisation complète du nord-est de la Chine, et il a convoqué jeudi une réunion clé dans la province du Heilongjiang. Xi Jinping a mis l’accent sur la promotion de l’ouverture et de la coopération à l’intérieur et à l’extérieur, et a appelé la région du Nord-Est à s’intégrer étroitement dans la coopération dans le cadre des « Nouvelles routes de la soie » (Belt and Road Initiative) et à jouer un rôle plus important dans la facilitation des flux économiques nationaux et dans la liaison de la circulation intérieure et de la circulation internationale.